Vers la NBA 3.0 : “It’s Game Time !”​

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AUTEURS

Simon RENAULT

Simon RENAULT

Avocat à la Cour et Mandataire Sportif

Morgan PALMA

Morgan PALMA

Consultant, Entrepreneur et Juriste

Il était temps. Après 4 mois de coupure estivale, la NBA a repris ses droits dans la nuit du 22 octobre 2019.

L’occasion de nous questionner sur les apports de la saison 2019/2020, en prémices d’une nouvelle décennie qui sera axée sur l’élargissement du marché de la NBA et sur les nouvelles expériences immersives à destination des spectateurs et téléspectateurs.

Considéré aujourd’hui comme le championnat de basket-ball professionnel proposant le spectacle le plus riche et le plus intense, la NBA prépare son entrée dans une nouvelle ère sportive, celle du numérique.

Véritable mastodonte du sport professionnel, la NBA accueille des franchises parmi les plus riches du sport professionnel mondial, telles que les Los Angeles Lakers ou les New-York Knicks, dont la valeur est estimée à plus de 3 milliards de dollars (estimation Forbes 2018).

Riche de sa puissance, la NBA oeuvre à son extension. Les nouvelles technologies centrées autour de « l’expérience client » en sont un vecteur sans précédent.

Il faut dire que la concurrence est inexistante, la Grande Ligue américaine bénéficie d’un monopole lui permettant de vendre un spectacle sans comparaison aucune avec une ligue concurrente, la où la NFL, la Ligue de Football Américain, peine à s’exporter au-delà de l’Amérique du Nord. Plus encore, la NBA affirme que plus d’un milliard de personnes dans le monde regardent au moins un match par saison.

Pour cela la NBA s’est d’abord ouverte au monde. Elle s’est notamment ouverte à l’arrivée de joueurs étrangers, surtout européens, ayant bénéficié d’une solide formation axée sur les fondamentaux de jeu bien plus que sur les capacités athlétiques. Un complément nécessaire au spectacle et au beau jeu.

Cette plus-value extérieure au continent américain lui permet d’accroitre son rayonnement mondial et d’entrainer, par les exploits des joueurs étrangers, un public international déjà conquis.

En s’ouvrant à l’Europe et à l’Asie, la NBA a ainsi converti des millions d’amateurs de basket en consommateurs réguliers permettant par la même occasion, de bénéficier de sources de revenus supplémentaires croissants.

Cette tendance s’accompagne à présent de la volonté d’utiliser les nouvelles technologies pour proposer une expérience nouvelle aux spectateurs et téléspectateurs. Couplé à un jeu toujours plus rapide, aérien et spectaculaire.

Décennie 2010 : une internationalisation réussie

La décennie 2010 fut marquée par une période majeure d’influence de joueurs internationaux de premier plan.

Dès 2002, la NBA s’ouvre à la Chine lorsque les Houston Rockets vont drafter Yao Ming, géant de 2,29 m, en 1ère place de la Draft. Un an plus tôt les Memphis Grizzlies avaient drafté l’espagnol Pau Gasol qui apparait aujourd’hui comme l’un des meilleurs joueurs européens de l’histoire de la Ligue.

La saison suivante, les décideurs de la Ligue ont les yeux rivés sur l’Europe.

L’année 2003 sera l’une des meilleures cuvée de l’histoire de la Draft dans laquelle les Detroit Pistons sélectionnent en 2ème choix (après LeBron James), Darko Milicic, joueur serbe inconnu du public, dans ce qui apparait aujourd’hui comme probablement la plus grosse erreur de l’histoire de la Draft.

La Draft 2005 retrouvera une internationalisation heureuse par la sélection au 1er tour de l’australien Andrew Bogut.

Au cours de la saison 2007, l’allemand Dirk Nowitzki sera le premier joueur non américain à être élu MVP de la saison, quand le français Tony Parker, la même année sera élu MVP des Finales avec les Spurs.

Coéquipier de Tony Parker, l’argentin Manu Ginobili fut élu meilleur 6ème homme de la NBA en 2008 quand Tim Duncan, troisième larron des Spurs de San Antonio fut le joueur natif non-américain (Iles Vierges) à obtenir le plus de titres NBA dans une carrière (5).

L’aboutissement, en 2019

Actuellement, la NBA demeure une vitrine internationale de premier plan comme en atteste les chiffres de la saison 2018 : 108 joueurs internationaux, 42 pays représentés avec, pour la cinquième saison de suite, un international présent au sein de chaque franchise NBA.

Plus fort encore, l’année 2019 fait figure d’aboutissement de cette ouverture.

Pour la première fois dans l’histoire de la NBA, le titre de champion a été remporté par une équipe non-américaine, les Toronto Raptors dont l’effectif riche de plusieurs joueurs internationaux (Espagne, Congo, Cameroun, Canada) a battu l’équipe américaine des Golden State Warriors composée quasi-uniquement de joueurs américains.

Cette année-là, le grec Giannis Antetokounmpo a été sacré MVP, devenant ainsi le deuxième européen à monter sur le toit de la NBA, après Dirk Nowitzki.

Le pivot français d’Utah Rudy Gobert a quant à lui remporté pour la deuxième année consécutive le trophée de meilleur défenseur, le trophée du meilleur “rookie” (débutant) a été obtenu par le prodige slovène Luka Doncic (Dallas), enfin, le trophée du joueur ayant le plus progressé a été glané par le camerounais Pascal Siakam (Toronto).

L’internationalisation ne s’arrête pas là.

Outre la réalité des terrains, apparaissent des stratégies de recrutement dirigée exclusivement vers l’international : dorénavant certaines équipes NBA décident de baser leur avenir sur des stars étrangères au détriment des nationaux américaines.

C’est le cas des Dallas Mavericks avec le duo européen Slovénie-Lettonie Luka Doncic/Kripstas Porzingis, citons également les Philadephie Sixers avec le duo Australo- Camerounais Ben Simmons/Joel Embiid, le Magic d’Orlando avec le duo Franco- Monténégrin Evan Fournier/Nikola Vucevic ou enfin les Denver Nuggets avec le duo Canado-Serbe Jamal Murray/Nikola Jokic.

Une délocalisation en germe

Depuis la fin des années 80, la NBA s’est lancée à la conquête du monde, et n’a jamais été aussi présente sur les différents continents. Les « Global Games », matchs de saison régulière exportés hors du territoire américain, sont devenus la vitrine internationale de la Ligue.

Pour la saison 2018/2019, la NBA a proposé des matchs à Mexico City et à la 02 Arena de Londres. Pour cette nouvelle saison (2019/2020), elle proposera en janvier 2020 un match à l’Accord Hotel Arena de Paris entre les Milwaukee Bucks et les Charlotte Hornets du français Nicolas Batum.

Parallèlement, et depuis 2015, la NBA propose des matchs d’exhibition sur le territoire africain, les Africa Games opposant la Team Africa à la Team World. La Team Africa étant composée de joueurs internationaux africains ou d’origine africaine évoluant en NBA face à une Team Word, composée de joueurs étrangers évoluant en NBA.

Pour le moment limitée à des matchs d’exhibition, l’Afrique représente pour la NBA un territoire de formation plutôt que de consommation. La Grande Ligue a privilégié la création de « NBA Academy Africa » véritables centres de formation fédéraux, dont l’objet est d’accompagner les initiatives en matière de basket-ball et de développement pour la jeunesse africaine. Notamment le programme « Jr. NBA » présent dans pas moins de 13 pays africains et à destination des filles et garçons âgés de moins de 16 ans.

Une nouvelle structure est en cours de développement à Saly au Sénégal, et servira de camp d’entraînement pour les prospects du continent.

La NBA ne semble pas souhaiter établir de matchs de saison régulière en Afrique – pour le moment, mais face aux stratégies de développement en Chine et en Inde depuis l’été 2019, les acteurs du Basket-Ball en Afrique bouillonnent. L’Empire NBA est en marche.

Décennie 2020 : numérique et Projet Jack Nicholson

Outre l’expansion internationale, une révolution se prépare en tribune, précisément au premier rang, juste à côté du célèbre acteur américain habitué des parquets.

Pourquoi Jack Nicholson ? La réponse est donnée par Adam Silver, commissionner de la NBA dans un interview à CBS (1).

« Tout d’abord, environ 1% de nos fans dans le monde entier a déjà assisté à un match en personne. Prenez ensuite le pourcentage infime, les Jack Nicholson du monde, qui occupent réellement ces sièges, au bord du court. Le défi est devenu : Comment pouvons-nous reproduire cette expérience (pour le plus grand nombre ndlr…) ? »

Sa réponse : « … par la réalité virtuelle, la réalité augmentée et tous ces types d’expériences immersives ».

En effet, le projet majeur de la Grande Ligue est de vulgariser l’expérience dite « courtside », pour le moment réservée aux spectateurs fortunés, en la rendant accessible à l’ensemble des fans de la Ligue à travers le monde. Pour simplifier, la meilleure place pour admirer le spectacle pourra être partagée par plusieurs millions de téléspectateurs en même temps grâce à des caméras hautes définitions idéalement positionnées.

Actuellement, la Ligue bénéficie d’un partenariat privilégié avec Samsung qui commercise un casque de réalité virtuelle, le « Samsung Milk VR ». Il permettrait à son utilisateur d’avoir une vision à 360 degrés d’un environnement où il ne se trouve pas physiquement et ainsi assister à n’importe quel évènement NBA, du simple match de saison régulière au Game 7 des Finals NBA.

Le futur est en marche et tout se dirige vers un rapprochement des expériences du spectateur présent en tribune et du téléspectateur dans son sofa, tous deux bénéficiant bientôt de la même proximité avec le spectacle réel. Par cette nouvelle stratégie de développement la Ligue affirme sa volonté d’abattre les murs limitant de ses enceintes sportives. Somme toute, offrir les yeux et les oreilles de Jack Nicholson au plus grand nombre.

L’émergence de la « Sport-tech »

« Dans quelques années, notre business model pourrait très bien passer de droits télés à vendre des billets virtuels. Imaginez, vous vous demandez quoi faire de votre soirée et d’un coup grâce à la réalité virtuelle vous pouvez être assis au premier rang du Staples Center à côté d’une star pour disons dix dollars ou euros. Nous n’en sommes pas encore là mais nous voulons être leader dans ce genre d’initiative, car nous pensons que c’est une opportunité unique. Idem avec la réalité augmentée. Nous suivons tout ça de très près. » (2)

La messe est dite, et l’ouverture de la NBA aux nouvelles technologies au service d’une expérience plus intense et immersive ne fait que commencer. Les partenariats avec les pépites américaines de la tech sont à leur stade embryonnaire et pourtant déjà les promesses se multiplient : un meilleur suivi des performances, plus de données traitées, de meilleurs programmes d’entrainements pour les joueurs, un meilleur repérage des champions de demain, l’affichage en live et sur le terrain d’effets visuels… ne sont encore que des pistes en cours d’exploration. Mais les potentialités sont infinies.

À cet égard, les « ballons connectés » (3) déjà en cours de test lors de la Summer League, sont la première initiative préparée de longue date par plusieurs Startups américaines ayant d’ailleurs bénéficier du soutien financier de quelques anciennes stars de la NBA.

Équipés de capteurs haute précision, les ballons seront capables de transmettre en temps réel les données les plus utiles aussi bien aux équipes qu’aux diffuseurs TV. De quoi alimenter de « DATA » d’abord les techniciens et peut-être dans un avenir proche les plus passionnés des téléspectateurs.

Alors que la French Tech tente de rapprocher ses troupes autour du sport (4) (5), sport- spectacle et nouvelles technologies nous proposent un avenir commun. It’s Game Time !

(1) https://www.forbes.com/sites/simonogus/2018/11/15/nba- commissioner-adam-silver-previews-technological-advances-coming- to-the-nba-fan-experience/#27e663b0da0c

(2) https://www.basketusa.com/news/482406/quel-avenir-pour-la- nba-en-europe/

(3) https://www.basketusa.com/news/567359/bientot-des-ballons- connectes-en-nba/

(4) https://www.forbes.fr/entrepreneurs/la-france-a-une-place-a-se- faire-dans-la-sport-tech-internationale/?cn-reloaded=1

(5) https://www.businessfrance.fr/french-sport-tech-tour-2019-programme-d-acceleration-pour-les-startups-evoluant-dans-le-secteur-du-sport

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