Le suicide de Jérémy Wisten à l’âge de 17 ans, non conservé par son club de Manchester City est une tragédie absolue qui illustre le désoeuvrement des jeunes joueurs face à l’échec constitué par le mur de l’accession au monde professionnel.
Après avoir débuté avec l’équipe des moins de 13 ans, Jeremy Wisten né au Malawi a appris qu’il ne serait pas conservé à la différence de ses coéquipiers de sa classe d’âge, Liam Delap, Cole Palmer et Tommy Doyle.
Pourquoi Jeremy Wisten n’a pas eu sa chance ? A-t-il été mal conseillé ou mal préparé à l’échec ?
Le suicide de Jérémy Wisten à l’âge de 17 ans, non conservé par son club de Manchester City est une tragédie absolue qui illustre le désoeuvrement des jeunes joueurs face à l’échec constitué par le mur de l’accession au monde professionnel.
Après avoir débuté avec l’équipe des moins de 13 ans, Jeremy Wisten né au Malawi a appris qu’il ne serait pas conservé à la différence de ses coéquipiers de sa classe d’âge, Liam Delap, Cole Palmer et Tommy Doyle.
Pourquoi Jeremy Wisten n’a pas eu sa chance ? A-t-il été mal conseillé ou mal préparé à l’échec ?
Dans le fond ce drame pose une question en point d’orgue : quelles perspectives d’éclosion dans un club comme Manchester City ?
“Le Club où l’on n’éclot pas”
Depuis son rachat par le Cheick Mansour, membre de la famille royale d’Abu Dhabi en 2008, City est devenu l’archétype du club riche qui a fondé sa réputation et sa quête de sa première C1 par l’acquisition à très grands frais de joueurs prometteurs, notamment en défense.
Cet été 2020, Nathan Aké (45M€) et Ruben Dias ont rallié l’effectif, le dernier a battu le record du défenseur le plus cher (68 M€+ 3,6 M€ de bonus) déjà détenu par City avec Aymeric Laporte (65 M€ en 2018).
Avant eux, rappelons les grandes acquisitions de Eliaquim Mangala (53 M€, alors défenseur le plus cher au monde), Nicolas Otamendi (44 M€), John Stones (56 M€), Kyle Walker (51 M€), Benjamin Mendy (57,5 M€) et João Cancelo (65 M€).
Soit, depuis 2014, plus d’un demi-milliard d’euros dépensé (rien que) pour des défenseurs. A quel poste jouait Jérémy Wisten ? Défenseur.
Ici réside tout le paradoxe. La stratégie de développement du club s’est basée sur l’acquisition parfois compulsive de joueurs étrangers prometteurs, en lieu et place de joueurs déjà étrangers et déjà prometteurs précédemment acquis qui n’avaient seulement pas pu faire leurs preuves. Cette politique engendre un délaissement du centre de formation composé de jeunes joueurs issus pour la plupart de la ville de Manchester et de ses territoires avoisinants. Cette politique a une conséquence, elle dévalorise le vivier local et génère à minima la perte de plusieurs joueurs prometteurs désireux d’éclore ailleurs : Kelechi Iheanacho (Leicester), Brahim Díaz (Milan A.C.) Jadon Sancho (Borussia Dortmund), superstar anglaise en devenir.
Comble de l’ironie, aujourd’hui City s’ouvre vers son centre de formation lequel a dorénavant comme horizon le monde entier.
En effet, la société City Football Group, gérée par une holding du nom de Abu Dhabi United Group a racheté un nombre conséquent de clubs à travers la planète afin de mettre en place un réseau international de scouting.
C’est le cas avec les clubs de Girona FC (Liga Adelante), New York City FC (MLS), Club Atletico Torque (Uruguay), Sichuan Jiuniu FC (3ème ligue Chinoise), Melbourne City FC (A-League australienne), Mumbiai City FC (Inde), Lommel SK (2ème division belge), Yokohama F Marinos (Japon) et le club français ESTAC Troyes (Ligue 2).
Cette ambition multi-nationale ouvre le centre de formation anglais aux meilleurs jeunes joueurs du monde entier rendant la tâche encore plus ardue aux jeunes locaux issus du Nord de l’Angleterre.
Aussi, observons que l’intérêt nouveau du club Mancunien pour son centre de formation n’est pas dénué d’intérêt : il viendra palier une hypothétique nouvelle condamnation du club par l’UEFA dont la dernière, pour manquements aux règles du fair play financier, avait été levée après appel devant le Tribunal arbitral du sport (TAS).
Par son arrêt du 13 juillet 2020, la TAS prononçait uniquement une condamnation à payer la somme 10M€ en lieu et place d’une suspension de deux ans de toute compétition internationale.
A ce jour, l’entraineur Pep Gardiola ne tarit pas d’éloges sur son nouvel attaquant anglais de 18 ans, Phil Foden, issu du centre de formation et destiné à devenir la star de l’équipe.
Cette éclosion est un signe encourageant pour le développement du centre de formation, et par lui, le rayonnement du football anglais. Mais pour éclore un Phil Foden ou un Eric Garcia (dont la formation a débuté au FC Barcelone) combien faudra t’il de Jérémy Wisten ?
L’accompagnement professionnel d’un joueur est primordial.
A l’âge auquel est parti Jérémy Wisten, il n’est encore question d’accepter son déclin, de combattre une blessure, mais uniquement de concrétiser l’accession à un rêve qui peut s’envoler rapidement devant soi.
La décision de ne pas signer un jeune joueur en qualité de professionnel peut être brutale et constitue la première confrontation à l’échec professionnel.
La déception est ici mesurable à la hauteur des rêves portés par l’impétrant de concourir à une place en équipe première d’autant plus si celui-ci basait son estime de soi sur son statut supposé de futur professionnel.
A cet égard, les jeunes joueurs pensent à tort que “tout s’arrête” lorsque le club professionnel dans lequel ils évoluaient ne les conserve pas.
C’est une erreur.
C’est précisément à cette étape que la prise en main de leur carrière débute et que l’exigence du sport professionnel se dresse. Elle nécessite pour le joueur et son entourage d’être en capacité de raisonner comme un sportif professionnel qu’il n’est pas encore, afin de s’entourer d’une cercle compétent dévolu à la progression de sa carrière.
C’est dès ce stade, voir dès l’orée des premiers exploits, que le joueur doit requérir les services d’un agent sportif ou d’un mandataire sportif, lequel aura pour mission de le conseiller afin de l’aiguiller vers des clubs en conformité avec son niveau actuel, lui offrant un cadre de travail conforme à ses compétences immédiates et susceptible de lui permettre de gagner en visibilité.
A la lecture du décès de Jérémy Wisten, il est pertinent de se questionner sur la qualité du conseil fourni par l’accompagnement du jeune joueur, notamment son entourage et son club qui auraient du le prémunir contre une telle déception, hautement prévisible dans le sport professionnel.
Une carrière professionnelle est une convergence d’intérêts et une succession d’aléas favorables, les jeunes joueurs doivent le comprendre faute pour eux de rallier les statistiques du taux d’échec du monde sportif professionnel.
Le standing et l’internationalisation croissante de Manchester City génère de facto un taux d’échec très élevé et tout jeune joueur issu de son centre de formation doit bénéficier d’un discours protecteur et bienveillant sur son avenir, que celui-ci soit immédiatement footbalistique ou non.
A titre d’exemple, en France, environ 50 % des joueurs passant deux ans dans un « pôle espoirs » échouent à entrer dans un centre de formation, au bout duquel seuls 20 % d’entre eux réussiront à obtenir un contrat professionnel, dont la moitié seulement évoluera en Ligue 1.
Selon l’UNFP et le Sénat, chaque année, ce sont 300 à 400 jeunes joueurs qui intègrent les centres de formation, tandis qu’environ 75 joueurs, en moyenne, accèdent au circuit professionnel à leur sortie.
En conclusion, référons nous au rapport “Accroitre la compétitivité des clubs de football français” rédigé en 2008 par Eric Besson qui concluait : “(…) Ce constat, partagé par la grande majorité des observateurs, ne semble pas inciter les clubs à la patience, et les encourage plutôt, d’une certaine façon, au recrutement en nombre, afin de multiplier les chances de voir éclore un talent ou de ne pas passer à côté d’un joueur d’exception . (…) Cette stratégie du volume a un coût économique et humain ».
Une carrière professionnelle n’est pas un long fleuve tranquille.
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