PLAIDOYER : Pour une reprise du championnat NBA

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AUTEURS

Simon RENAULT

Simon RENAULT

Avocat à la Cour et Mandataire Sportif

Morgan PALMA

Morgan PALMA

Consultant, Entrepreneur et Juriste

La crise sanitaire liée à la pandémie de Coronavirus (Covid-19) est toujours en cours et touche indistinctement l’ensemble des pays du globe, à des échelles et des stades différents.

Si l’Europe occidentale semble avancer vers un haut plateau du nombre de cas décelés, avec un déconfinement annoncé en France par le Président de la République le 11 mai 2020, les Etats-Unis subissent de plein fouet une augmentation du nombre de cas.

A l’heure d’écrire ces lignes, les Etats-Unis comptabilisent plus de 50 000 personnes atteintes du Covid-19 et plus de 30 000 décès des suites du virus. Les états les plus touchés sont l’état de New-York et du New-Jersey, le Massachusetts, la Pennsylvanie, la Californie…

La tendance sécuritaire, à l’instar de ce qui a été décidé en France par la Ligue Nationale de Handball, des championnats de National 2 et 3 par la FFF, pourrait se porter vers une annulation sine die de la fin de saison en arrêtant le classement au jour du 13 mars 2020, date de suspension du championnat.

Cette possibilité est envisageable pour les championnats qui sacrent un champion sur la base d’une classement.

Sauf que le modèle NBA est le suivant : le classement de saison régulière n’a de valeur que pour classer les équipes en vue des Playoffs. Et ainsi fixer les affrontements entre elles et décider de l’avantage du terrain au cours des Playoffs, qui constitue un tournoi à élimination par tours.

Le dilemme est le suivant : soit la saison NBA sera blanche, soit elle décernera un champion.

Préalablement, rappelons que la NBA a déjà connu des saisons raccourcies : la saison 1998- 1999 n’a comporté que 50 matchs après que le lock-out (grève des joueurs) n’ait repoussé le début d’exercice au début du mois de février 1999.

Plus récemment, la saison 2011-2012 n’a pu démarré que fin octobre et n’a comporté que 66 matchs, suite à un désaccord salarial entre joueurs et propriétaires.

Une saison raccourcie n’est pas donc insurmontable ni encore moins inédite, par contre, c’est potentiellement la création d’une green-zone sanitaire, qui peut devenir un obstacle inédit pour la Ligue américaine, dont la complexité pourrait justifier l’annulation de la saison.

Nous n’espérons pas cette éventualité, c’est l’objet de notre propos.

Le présent article est un plaidoyer pour promouvoir la reprise de la NBA dans une configuration inédite avec des conditions sanitaires et sécuritaires drastiques permettant à l’ensemble des salariés des clubs (joueurs, coachs, encadrement, arbitres) de bénéficier d’un environnement sanitaire sain, délimité, à huis clos, et propice à la performance sportive.

Ce plaidoyer se concluera par notre maigre contribution à la reprise du championnat, composé de propositions basées sur les tendances actuelles avancées par la NBA.

Selon nous, la National Basketball Association, en qualité d’ambassadeur américain du championnat de basketball qui se revendique – à juste titre – comme le meilleur championnat au monde, se doit de poursuivre son spectacle à l’aboutissement duquel, elle décernera un champion.

C’est, à bien des égards, un puissant hommage qui serait rendu à Kobe Bryant.

Le message subliminal du triomphalisme américain

Notre humilité nous oblige à admettre que le commissionner NBA, Adam Silver, ne lira pas ces lignes. Néanmoins, pour la forme, il serait bon ton de lui rappeler qu’en sa qualité de représentant mondial du basket américain, il est tributaire d’une

obligation de promouvoir le jeu en toutes circonstances, même en dépit d’une épidémie.

Le Président des Etats-Unis Donald Trump l’a lui même verbalisé à l’ensemble des représentants des ligues sportives américaines en ajoutant à son propos une dose de triomphalisme américain :

” Il faut que nos sports reprennent (…les sports n’ont pas été conçus pour (cette situation), tout le concept de notre nation n’a pas été conçu pour ça“.

Nous partageons cette analyse, tant il est vrai que le concept sportif, décuplé par une pratique professionnelle est fondamentalement contraire à l’inactivité, le spectacle télévisuel quant à lui ne saurait avoir vocation à supporter un arrêt de ses programmes.

La récurrence de la programmation sportive quotidienne en NBA sur les chaines nationales, l’inondation du téléspectateur par des statistiques de jeu et de records fréquemment battus engendrent une omniprésence du domaine sportif dans la sphère médiatique et, plus largement, dans la sphère citoyenne des USA qui érigent la consommation sportive en véritable “Way of Life”.

L’injonction du Président Trump est de nature à presser les instances des Ligues majeures (NBA, NFL, NHL, MLB, MLS, Nascar…) à oeuvrer pour une reprise rapide des championnats sportifs professionnels afin d’inonder à nouveau le monde des performances des joueurs américains, réputés comme les meilleurs de la planète dans les disciplines respectives.

Faut-il rappeler que le titre NBA décerné chaque année récompense non pas la meilleure équipe des Etats-Unis, mais honore celle-ci du titre emphatique de “World Champions“.

Egalement, et à bien des égards, la reprise du championnat NBA serait une excellente nouvelle pour nous français, dès lors que les américains font injustement porter sur le joueur français des Utah Jazz, Rudy Gobert, le statut de

patient zéro du Covid-19 sur le sol américain, lui reprochant, ni plus ni moins, la suspension du championnat NBA, le 11 mars 2020.

Il est vrai que la séquence du joueur français s’amusant à toucher tous les micros de la salle de presse au cours d’une interview d’après match fut désastreuse, et engendra sa propre contamination et celle de son coéquipier Donovan Mitchell.

Le joueur français fit amende honorable et présenta rapidement ses excuses publiques, il promit un don de 500 000 dollars destiné à aider, le système de santé français, les salariés de la franchise de Utah ainsi que les familles de victimes dans les états de Utah et d’Oklahoma.

Surtout, nous rappelons l’infection d’autres joueurs NBA au Covid-19 sans lien aucun avec Rudy Gobert, citons à cet égard Christian WoodKevin Durant et 3 de ses coéquipiers au Brooklyn Nets où selon Michelle Roberts, présidente de la NBPA, “40 à 50% de la population NBA pourrait être concernée“.

Partant, la responsabilité de Rudy Gobert, si elle pourrait amener à des sanction de son club, que nous trouverions le cas échéant injustes, ne saurait être extensive et la reprise de la saison NBA permettrait d’effacer cette regrettable et – surement regrettée – erreur de parcours.

La nécessité préalable d’un accord NBA / NBPA pour envisager une reprise sportive

Avant toute chose, toute reprise de l’activité sportive professionnelle devra inévitablement être encadrée par un accord préalable entre la NBA et le Syndicat des joueurs (NBPA).

Pour l’heure, ces négociations existent déjà mais se cristallisent sur la question du versement des salaires des joueurs (dont la prochaine échéance est fixée au 1er mai 2020) : la NBA et la NBPA s’opposent quant à l’application d’une retenue des gains des joueurs.

Le montant de ces retenues, envisagées uniquement à ce stade, dépendra du sort des matches non disputés en raison de la pandémie.

Quel sort pour les salaires des joueurs en cas d’annulation de la saison ?

Dans le pire des cas, celui où la NBA serait contrainte d’annuler sa saison, une clause de “force majeure” insérée dans la convention collective – CBA – (Collective Bargaining Agreement), pourrait être appliquée, selon laquelle le salaire des joueurs pourrait être réduit jusqu’à 1% pour chaque match annulé.

En terme économique, pour chaque match à domicile non disputé, les franchises NBA accusent des pertes de l’ordre de 1,9 million de dollars, pour un montant minimal estimé à 275 millions de dollars.

Ce chiffre serait supérieur au demi milliard de dollars si la saison régulière et Playoffs étaient annulés.

En droit, la pandémie liée au Covid-19 peut être juridiquement qualifiée de cas de “force majeure“, et ainsi permettre l’activation de la clause éponyme insérée dans la convention collective, qui pour rappel est entrée en vigueur le 1er juillet 2016 et valable jusqu’à la saison 2023-2024.

A titre d’illustration, le droit français définit classiquement la force majeure par le réunion des critères d’imprévisibilitéd’extériorité et d’irresistibilité d’un évènement, théorie faisant l’objet d’une introduction dans le Code civil par l’article 1218.

Dans le cas de la NBA, la qualification de l’épidémie de Covid-19 comme cas de force majeure sera juridiquement difficile à combattre pour les joueurs qui devront alors accepter de négocier à la baisse leurs salaires.

Ici débute un effet domino : en conséquence d’une perte avérée de leurs salaires, le Syndicat des joueurs s’est entretenu avec les agents de joueurs afin de les informer d’une substantielle baisse du BRI (Basketball Related Income) en 2021, c’est à dire les revenus liés au basket : l’ensemble des flux d’argents liés directement ou indirectement au basketball, tels que les ventes de places, les maillots, les droits télé ou encore les montants apportés par les sponsors.

Notre proposition : l’annulation de fin de saison régulière et la tenue de Playoffs inédits

En temps normal, la saison régulière NBA devait se terminer le 15 avril 2020 et les Playoffs débuter le 18 avril 2020, pour aboutir aux fameuses Finals au début du mois de juin 2020.

L’objet du présent article est donc d’envisager les pistes qui s’offrent à la NBA pour reprendre son championnat.

Avant toute chose un impératif impondérable : la protection des joueurs et de toute personne présente sur site est la condition sine qua non à la reprise de la compétition, les présentes propositions, aimablement avancées, oeuvrent par cette ligne directrice.

Préalablement, nous constatons une répartition hétérogène du virus sur le territoire américain principalement actif sur l’ensemble de la côte Est américaine.

Les états centraux américains demeurant, à ce stade, – relativement – épargnés.

Cette tendance a poussé les instances NBA a envisager une reprise potentielle du championnat dans la ville de Las Vegas, dans l’état du Nevada, au sein de laquelle elle organise chaque été sa Summer League dans les enceintes sportives du Thomas & Mack Center et Cox Pavilion.

Cette voie doit être privilégiée : la reprise du championnat doit être circonscrite au sein de ces deux enceintes sportives spécialement affectées pour l’occasion : d’une part la NBA dispose de la compétence et de la logistique pour tenir des matchs dans ces enceintes sportives grâce à la Summer League tenue sur site depuis 2004.

Ni plus ni moins, la reprise sportive nécessitera un encadrement de type militaire et l’établissement d’un logistique sanitaire inédite de nature, dans les enceintes précitées de manière à garantir une contamination zéro.

1. Mise en place d’un protocole sanitaire strict : une green zone sportive

Les vestiaires, couloirs, parking, bus, terrain, ballons et l’ensemble des zones de contact doivent être systématiquement traités avec un marquage opérés sur les sols traités.

Les enceintes sportives seront lavées et aseptisées avant et après chaque rencontre où le personnel oeuvrant au nettoyage sera particulièrement protégé et testé postérieurement à l’accomplissement de leur tâche.

Les joueurs et corps arbitral éligibles à la compétition sportive devront être déclarés médicalement aptes et non contagieux selon tests virologiques négatifs effectués avant chaque match, validés par un collège de médecins experts.

Les membres du coaching staff seront limités aux personnes essentielles des équipes en compétition.

Toute personne non essentielle à l’activité sportive se verra refuser l’accès à l’enceinte : bien entendu les matchs se dérouleront à huis clos.

Les membres des équipes de télévision, en nombre limité, seront préalablement testés et n’auront aucun contact avec les joueurs, placés dans des zones idoines, interdites aux personnes extérieures : aucune interview de visu, aucune conférence de presse physique ne sera tenue.

Seules les équipes télévisuelles bénéficieront d’un accès à l’enceinte, les journalistes de presse se verront interdire l’accès.

2. Annulation de la fin de saison régulière NBA

Pour l’heure, il apparait à notre sens nécessaire d’annuler la fin de saison régulière NBA et empêcher la venue sur site des 30 équipes NBA, composées de 12 joueurs et du quadruple d’encadrants.

La green zone accueillera uniquement les 16 équipes qualifiées pour les Playoffs à la date du 11 mars 2020.

La cristallisation du classement des Conférences Est et Ouest au 11 mars 2020 sera dès lors actée et les équipes absentes des places qualificatives des Playoffs s’en trouveront de facto exclues de la compétition.

Préalablement, il sera nécessaire de permettre aux sportifs de retrouver un rythme de compétition à même de diminuer le risque de blessure après une coupure si longue : les entrainements seront rallongés et des pré-matchs raccourcis de type exhibition auront lieu à titre d’opposition entre les équipes en lice amenées à s’affronter.

3. Modification du format des Playoffs

Le format des Playoffs sera raccourci : un tour de Playoffs se déroulera non plus à 4 matchs gagnants mais à matchs gagnants avec prolongation en cas d’égalité à une victoire partout entre les deux équipes.

A ce stade, nous excluons le principe des matchs à élimination directe : l’objectif de la reprise est d’offrir un spectacle sportif qui se rapproche le plus de celui offert en temps normal. Il apparait donc opportun que la saveur des Playoffs, qui est pour une équipe de pouvoir renverser la vapeur au match suivant, soit conservée.

Enfin, et à titre conclusif, nous convenons bien volontiers que la compétition sportive demeure une éventualité éminemment dispensable en période de crise sanitaire majeure.

Néanmoins, le report des compétitions tels que le Tour de France, l’Euro de Football, les JO d’été de Pékin, est la preuve que l’espoir et la combattivité des organisateurs pour la tenue des compétitions parait inébranlable, c’est cela aussi, l’esprit sportif.

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