LE MANDATAIRE SPORTIF
Statut
Missions
Avantages
L’avocat mandataire sportif est le dernier professionnel arrivé dans le marché sportif professionnel jusqu’à lors « trusté » par les agents sportifs qui bénéficiaient d’un véritable monopole de fait dans le conseil et la représentation des parties intéressées à un contrat de sport, qu’elles soient joueurs, entraineurs ou clubs professionnels.
L’arrivée de l’avocat mandataire sportif au sein d’un marché sportif aussi concurrentiel sur le terrain qu’en tribune, a fait l’objet de vives interrogations. D’une part internes à la profession, ces interrogations émanaient également des acteurs économiques du milieu du sport business, soucieux de l’impact imminent et en devenir de cette arrivée remarquée.
L’avocat et l’agent sportif n’exercent pas la même mission. L’avocat est avant tout un auxiliaire de justice dont l’essence est la défense des intérêts de son client là ou l’agent demeure limité par les missions confiées au titre de son mandat.
Néanmoins lorsque le client devient un sportif professionnel, les missions données à l’avocat peuvent inévitablement recouvrir tout au partie des missions réservées à l’agent.
Cette “similarité” a généré des incertitudes et des adaptations syntaxiques, tant est si bien qu’en 2012 le Barreau des Avocats de Paris exigeait initialement de l’avocat une déclaration au bâtonnier avant d’exercer “l’activité d’agent sportif“, pour finalement mentionner l’avocat comme “mandataire sportif“, modifiant l’article P. 6.2.0.3 de son règlement.
8 ans plus tard, Madame Belloubet, à l’époque Garde des Sceaux relevait par réponse ministérielle du 20 mai 2020 que “ces deux professions sont en effet placées dans des situations différentes” justifiant “une différence de traitement“.
Décryptage.
C’est la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, dite loi de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées qui a ouvert la voie en autorisant l’avocat d’exercer en qualité de mandataire sportif. Son article 4 vient insérer au sein de la loi du 31 décembre 1971, un article 6 ter qui énonce “Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un des contrats mentionnés au premier alinéa de l’article L. 222-7 du code du sport.”
Cette ouverture législative, appuyée par le garde des Sceaux de l’époque souhaitant « offrir aux avocats la possibilité d’établir des contrats dans le domaine sportif », a permis à la profession de décliner sa prestation en qualité de mandataire sportif et investir un pan d’activité en tout ou partie similaire à celui exercé par l’agent sportif.
“L’avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion du contrat, soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive d’entraînement”.
Sans jamais citer l’avocat, l’article L. 222-7 du Code du Sport se borne à définir l’activité de l’agent sportif, laquelle ne peut être exercée que “par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif”, occultant dès lors l’intervention d’un tiers non détenteur de la licence, au risque pour celui-ci de favoriser le délit pénal d’exercice illégal de la profession d’agent sportif et sanctionné d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende selon l’article L. 222-20 du Code du Sport.
Au sens du Code du Sport, mais également de l’article 3 du Règlement des agents sportifs institué par la Fédération Française de Football, il est interdit aux avocats “d’exercer l’activité d’agent sportif”, limitant leur office à la “qualité de mandataire sportif“.
Pour exercer la profession réglementée d’agent sportif, l’impétrant doit satisfaire à l’examen organisé par le Comité National Olympique Sportif Français -CNOSF- afin d’exercer sous l’autorité de sa fédération délégataire de rattachement. Ce rattachement est propre à une discipline limitée. Elle oblige le lauréat s’il souhaite exercer dans une nouvelle discipline, à être détenteur de la licence idoine délivrée par la fédération compétente.
À titre d’exemple, en matière de football, l’examen d’agent co-organisé par la FFF comprend deux épreuves écrites, la première en droit général, la seconde au titre des réglementations spécifiques applicables à la discipline.
En matière de football toujours, la France demeure une exception : contrairement à la FIFA qui a décidé de derégulariser l’accès à la profession d’agent sportif en 2015 et offrir à toute personne la possibilité de l’exercer, la législation française maintient l’exigence de détenir une habilitation permettant d’encadrer nationalement l’activité.
Rappelons qu’au titre de sa formation, l’avocat est titulaire du Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat (CAPA), et dispose à cet égard d’un niveau juridique qui sanctionne à minima 4 années d’études en faculté de Droit outre une formation complémentaire au sein d’une Ecole de formation à la Profession d’Avocat d’une durée de 2 ans, lui offrant une maitrise de la matière juridique et des procédures devant les tribunaux.
Son intervention en qualité de mandataire constitue sa “mission naturelle” (Réponse ministérielle n°94961, JOAN Q, 1er février 2011) et classique en ce sens qu’il représente les parties au titre d’un mandat devant toutes les juridictions qu’elles soient sportives, disciplinaire, administratives et judiciaires, nationales et internationales.
En outre loi précitée du 28 mars 2011 offre à l’avocat la dérogation nécessaire pour exercer l’activité de mandataire sportif, relayée par l’article 6.3 du Règlement Intérieur National à la profession (le RIN) qui l’autorise à “être (…) mandataire sportif” et ainsi exercer l’activité de l’agent sans satisfaire à l’examen relatif à cette activité professionnelle.
L’avocat est donc expressément autorisé à être le mandataire d’un joueur, d’un entraîneur ou d’un club sportif sans être limité à une discipline sportive et exonéré de l’obligation d’être titulaire d’une licence professionnelle.
Sa seule obligation se limitant à satisfaire à une inscription au registre des Avocats Mandataires Sportifs auprès de son Ordre pour exercer ès qualité.
En outre, m’avocat demeure uniquement régi par la réglementation de sa profession, qui lui est propre, et distincte de celle de l’agent sportif. Ce point est par ailleurs rappelé par l’article L. 222-19-1 du Code du Sport, qui maintient au profit de l’avocat le pouvoir disciplinaire du Bâtonnier de l’Ordre des Avocats en lieu et place du pouvoir disciplinaire exercé par la fédération délégataire à l’égard de l’agent sportif.
La définition de l’agent sportif correspond à une activité d’intermédiation consistant selon l’article 15.2 de la loi du 16 juillet 1984 “à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat”, activité qui prend les traits d’une opération de courtage, par nature commerciale (telle que le placement d’un joueur professionnel dans un club sportif).
A la différence de l’agent sportif, l’activité de « mise en relation » est proscrite à l’avocat car par essence commerciale. En effet, il est interdiction aux avocats d’avoir, de manière habituelle, des “activités de caractère commercial” (Art. 111 du Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat). La mise en relation peut dès lors être tolérée dès lors qu’elle demeure “accessoire” à la relation, forcément plus globale, entre l’avocat et son client.
A titre d’exemple, la FIFA indique expressément : “un avocat légalement habilité à exercer conformément aux règles en vigueur dans son pays de résidence peut représenter un joueur ou un club lors de la négociation d’un transfert ou d’un contrat de travail.” (art. 4 du Règlement Agents Sportifs Fifa, version 2008).
Dès lors, l’élargissement de la fenêtre d’activité de l’avocat a amené le 9 juin 2020, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris à affirmer la possibilité pour l’avocat d’exercer pleinement l’activité de mandataire sportif et d’accomplir les actes définis à l’article L. 222-7 du Code du Sport, dans le respect de la loi du 28 mars 2011.
Dit autrement, il est permis à l’avocat d’exercer pleinement son activité de mandataire, conformément à ce qui existait déjà pour l’avocat mandataire en transactions immobilières et l’avocat mandataire d’artistes et d’auteurs selon l’article 6.1 du Règlement Intérieur des Avocats.
Une distinction néanmoins floutée.
La distinction entre l’avocat mandataire sportif et l’agent sportif perd en lisibilité concernant le régime juridique applicable à l’avocat lequel repose pour partie sur celui applicable à l’agent, l’obligeant ni plus ni moins à respecter le règlement des agents sportifs, entorse au principe d’indépendance régissant la profession d’avocat.
Le législateur ayant refusé de déroger à un certain nombre de dispositions propres au milieu du sport, la loi du 28 mars 2011 vient générer des interprétations diverses où mission de l’avocat mandataire sportif et de l’agent sportif peuvent se confondre.
Quelques exemples :
Au sens du Code du Sport, mais également de l’article 3 du Règlement des agents sportifs institué par la Fédération Française de Football, il est interdit aux avocats “d’exercer l’activité d’agent sportif”, limitant leur office à la “qualité de mandataire sportif“.
La rémunération de l’avocat est calquée sur celle de l’agent sportif prévue à l’article L. 222-17 du Code du sport. Le mandat donné à l’avocat mandataire doit préciser le montant de ses honoraires, qui ne peuvent excéder 10 % du montant du contrat signé par le sportif ou l’entraîneur. L’avocat peut être rémunéré par des honoraires entièrement fixés en fonction du montant du contrat conclu (L. du 31 déc. 1971, art. 10), ce qui constitue l’émanation de la fameuse commission d’agent.
Si un ou plusieurs avocats interviennent avec le concours d’un agent sportif, le montant total de leur rémunération ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat (L. du 28 mars 2011, art 4). Rappelons à cet égard que le montant des honoraires de l’avocat prévus pour une mission se doit d’être préalablement prévu par convention d’honoraires, laquelle devra prévoir un honoraire déterminable et précis (Civ. 1re, 20 févr. 2019, n° 17-27.129), outre la possibilité que le contrat ne soit limité à un acte écrit unique (Civ. 1re, 20 févr. 2019, FS-P+B, n° 17-27.129).
Enfin, m’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client (article 4 de la Loi du 28 mars 2011) sauf dans le cas où le club sportif rémunère l’avocat au nom et pour le compte du joueur sportif.
Selon l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 relatif au secret professionnel, l’avocat doit communiquer les contrats de mentionnés à l’article L. 222-7 du Code du Sport.
Cette obligation concerne également communication du contrat de mandat par lequel l’avocat représente l’une des parties intéressées à la conclusion de l’un de ses contrats aux fédérations sportives délégataires. Cette communication doit être adressée le cas échéant aux ligues professionnelles dans les conditions prévues à l‘article L. 222-18 du même code.
L’avocat doit respecter l’interdiction de rémunération au titre d’un contrat de travail conclu par un joueur mineur correspond à l’interdiction prévue à l’article L. 222-5 du Code du sport applicable à l’agent.
Si l’avocat mandataire sportif partage une partie du régime juridique propre à l’agent sportif, il s’en émancipe largement par le biais de sa déontologie.
Dans son activité de mandataire, l’avocat reste tenu de respecter les principes essentiels de la profession, à savoir exercer son office avec honneur, probité, humanité, conscience et indépendance. Il est également tenu de s’éloigner de tout conflit d’intérêts entre son client et une autre partie.
En outre, l’avocat relève de la discipline de son Ordre et non d’une fédération. En effet, en cas de manquement dans l’exercice de sa mission de mandataire sportif, la fédération concernée devra respecter la procédure dictée par l’article L. 222-19-1 du Code du Sport, à savoir le filtre du Bâtonnier. L’agent sportif demeurant quant à lui un justiciable de sa fédération de rattachement.
Autre différence, la réglementation de l’agent sportif l’oblige à respecter une durée maximale de deux ans au titre d’un mandat, lequel ne saurait être reconduit de façon tacite.À l’inverse l’avocat mandataire sportif n’a pas tenu de respecter cette obligation dès lors que le mandat qui le lit à son client ne souffre d’aucune date butoir si ce n’est la satisfaction des missions attribuées au titre de son mandat. Cette différence si elle est poursuivie ouvre la possibilité à l’avocat d’un mandat à durée indéterminée.
La distinction pouvant être ainsi résumée , l’avocat mandataire sportif demeure un avocat et du fait de cette qualité, englobe en son sein l’ensemble des missions de l’agent sportif qu’il recouvre.
La nature protéiforme de la profession d’avocat offre à l’ensemble de ses acteurs la légitimité d’investir des marchés d’activités particulièrement concurrentiels, ce qui est le cas du sport professionnel par ailleurs réputé pour son opacité. Les règles déontologiques de l’avocat oeuvrent à la protection accrue des intérêts de l’ensemble des intervenants de l’industrie sportive qui bénéficient de garanties importantes de confidentialité et d’indépendance.
La présence de l’avocat dorénavant assurée au sein du sport professionnel est le reflet d’une évolution du droit en totale adéquation avec la réalité sportive, désireuse de plus de transparence, de compétence et d’honorabilité.
A cet égard, la déontologie de l’avocat lui offre une plus value permanente concernant précisément sa compétence, son honorabilité et une totalement transparence, consistant ni plus ni moins à un code moral propre à l’avocat. Ceci explique le satisfecit délivré par réponse ministérielle de la Ministre de la Justice du 20 mai 2020 qui retenait “un bilan positif de l’ouverture de cette activité aux avocats“.
Pour autant, le monde du sport demeure réfractaire à s’ouvrir totalement à cet intervenant dont la pratique quotidienne est impactée par un comportement défensif des fédérations sportives françaises. Cette tendance est rappelée par Maitre Basile Ader : “Les principales fédérations sportives refusent toujours de reconnaître le droit aux avocats d’effectuer à titre accessoire des actes d’intermédiation, au prétexte qu’ils n’ont pas cette licence et que les actes commerciaux leur sont légalement interdits“.
C’est la raison pour laquelle une réforme en la matière serait attendue en France pour l’année 2021 et permettrait de clarifier la distinction entre l’avocat mandataire sportif et l’agent sportif, cela, dans la continuité des mesures prises par la Fédération Internationale de Football Association (FIFA).
Citons notamment les recommandations relatives aux commissions d’agents et à la limitation des prêts de joueurs, adoptées par la Commission des Acteurs du Football, et un programme de réformes à venir liées précisément à la réglementation des agents sportifs.