Covid-19 et casse-tête contractuel : Quid des joueurs libres au 30 juin 2020 ?

PARTAGER

AUTEURS

Simon RENAULT

Simon RENAULT

Avocat à la Cour et Mandataire Sportif

Morgan PALMA

Morgan PALMA

Consultant, Entrepreneur et Juriste

La crise sanitaire liée au Covid-19 n’épargne pas le monde du sport professionnel qui doit affronter des problématiques juridiques et contractuelles complexes, à même de constituer des manquements contractuels, ou pire, un affaiblissement sportif par la perte de joueurs sans contrepartie.

Dans le cas où les championnats et compétitions européennes se prolongeraient au-delà du 30 juin 2020, date limite des contrats des joueurs en fin de contrat, de réelles problématiques contractuelles pourraient survenir pour les joueurs en fin de contrat.

C’est le cas notamment des joueurs tels que Edinson Cavani, Olivier Giroud, Blaise Matuidi, Thomas Meunier, Laywin Kurzawa, Thiago Silva, Jan Vertongen, Luka Modric, Willian… (liste non exhaustive comportant, vous le constatez, 4 joueurs du PSG).

L’exemple Cavani

Prenons le cas de l’Uruguayen Edinson Cavani, joueur sous contrat avec le PSG et libre au 30 juin 2020.

A cette date, le joueur disposera de la liberté contractuelle de s’engager dans le club de son choix dès le 1er juillet 2020 quand bien même le Paris SG pourrait exiger sa présence dans l’éventualité d’un report de la Ligue des Champions en juillet/août. Théoriquement, sur le strict plan juridique, le joueur se retrouve donc en position de force, pour partir où bon lui semble au 30 juin 2020.

Aussi, et dans l’éventualité où le joueur désirerait rester, il pourrait également envisager de signer un avenant avec son club actuel, homologué par la Ligue de football professionnel, lequel serait annexé à son contrat de travail et aurait pour effet de proroger la durée de son contrat jusqu’au terme des compétitions où le club est engagé.

Pour encadrer ce flou juridique, la FIFA à très récemment proposé l’extension des contrats des joueurs dont le bail se termine le 30 juin 2020, au-delà de cette date, en cas de prolongation de la saison.

Cette extension s’appliquerait à l’ensemble des joueurs libres au 30 juin 2020 et non aux seuls joueurs que le club voudrait bien garder, cela afin d’éviter de générer une rupture d’égalité parmi les joueurs en fin de contrat.

Une double précision cependant :

  • Le joueur peut librement refuser de signer l’avenant proposé, ce qui en contrepartie lui ôterait le droit de participer à une compétition sportive pour son club actuel,
  • La FIFA n’émet que des recommandations, dénuées de portée contraignante, les clubs & les joueurs pouvant – théoriquement – librement s’en affranchir.

Dans notre exemple, une interrogation demeure : dans le cas où Edinson Cavani rejoignait libre l’Atletico Madrid au 1er juillet, et que la Ligue des Champions soit reportée au cours de l’été, quel club serait prioritaire pour s’attacher ses services ? L’Atletico Madrid ? Le PSG ?

Edinson Cavani pourrait-il refuser de jouer la Ligue des Champions avec le PSG pour rallier directement l’Espagne ? Pourrait-il jouer la Ligue des Champions avec l’Atletico Madrid ?

A priori, la priorité contractuelle devrait se porter vers l’ancien club sous lequel le joueur était encore sous contrat jusqu’au 30 juin 2020, priorité néanmoins encadrée par un accord tripartite entre les deux clubs successifs et le joueur en instance de départ.

Des joueurs sous CDI ?

Enfin et surtout, une réalité légale pourrait s’imposer aux clubs en qualité d’employeurs : selon l’article L. 222-2-3 du Code du sport, le contrat de droit commun applicable en droit du sport est le CDD.

Or, dans l’éventualité d’un report des compétitions européennes et domestiques sur la période estivale, les clubs professionnels pourraient-ils se voir placés dans l’obligation contractuelle d’assumer une requalification des contrats des joueurs en CDI ?

Par principe la réponse est positive : le droit du travail impose dans un tel cas de figure, la requalification du contrat de travail à durée déterminée en CDI. Les clubs professionnels seraient dès lors dans l’obligation légale d’assumer une requalification en CDI des joueurs utilisés au delà de la date de péremption de leur contrat.

Une distinction néanmoins.

Préalablement, nous rappellerons que la loi du 27 septembre 2015visant à protéger
les sportifs de haut niveau et professionnels ainsi qu’à sécuriser leur situation juridique et sociale
, a permis la création d’un nouveau contrat de travail pour le sportif ou l’entraîneur salarié.

Le nouvel article L. 222-2-3 du Code du sport pose désormais le principe que le CDD est obligatoire pour tous les sportifs et entraineurs professionnels. Le “CDD sport” prend donc la place de « l’ancien CDD d’usage ».

La bonne nouvelle pour les clubs employeurs provient de l’article L. 222-2-1 du Code du sport.

Ce texte énonçant que « le Code du travail est applicable au sportif professionnel salarié » à l’exception notamment des dispositions de l’article L. 1245-1 de ce code, lequel prévoit pour sanction la requalification du CDD en CDI.

Est-ce à dire que le contrat d’un joueur professionnel ne peut jamais être requalifié en CDI ?

Le Code du sport, par l’article L. 222-2-8 n’envisage cette sanction que dans de rares hypothèses, dont la méconnaissance des durées – minimale et maximale – du contrat, l’absence de certaines mentions obligatoires dans le contrat et le défaut d’homologation de la convention par la Ligue professionnelle.

Retour donc à la case départ où le spectre de requalification des contrats des joueurs en CDI demeure à l’encontre des clubs employeurs….

Au delà du flou juridique et du casse tête contractuel engendré par l’épidémie de Covid-19, il y a lieu de penser que les clubs sportifs professionnels sauront, en bonne intelligence entre eux, et avec leurs joueurs respectifs, gérer la cas des joueurs en fin de contrat et en instance de départ.

LIENS :
Version LinkedIn